« Parce que nos peurs sont universelles, nous pouvons aider en nous plaçant sur un registre de fraternité humaine », souligne Christophe André. Il est rare que des thérapeutes livrent avec autant de sincérité leurs chemins existentiels.
1. “Quitter sa posture de jugement”
Le conseil du Dr Christophe André psychiatre et psychothérapeute, hôpital Sainte-Anne, Paris
« Mon équilibre repose sur trois axes principaux.
Le premier : accepter mes fragilités. Elles ne sont ni des anomalies ni des infériorités. J’ai reçu des choses formidables de mes parents, d’autres moins. Ce que je suis aujourd’hui, ce n’est pas leur faute, ce n’est pas la mienne ; j’ai un chemin à parcourir que je considère comme un chantier de restauration.
Le second, c’est le travail ! Ce chantier de ma construction est passionnant mais il demande beaucoup d’énergie. On renonce trop tôt, l’intention semble nous suffire. Pour changer, il faut s’entraîner, comme pour un sport.
Le dernier pilier, c’est la rencontre. Les autres me sont essentiels. À chaque fois que je rencontre quelqu’un, je regarde ce qu’il y a de beau et de fort chez lui et la manière dont je peux m’en inspirer. Pour cela, il faut quitter sa posture de jugement ou d’indifférence. On a tendance à osciller entre l’une et l’autre. On critique vite, cela nous rassure de voir les défauts. On néglige alors l’essentiel, l’ensemble d’une personne. Or elles sont très rares, ces personnes qui n’auraient rien à nous apprendre. On doit regarder les autres avec bienveillance et admiration en se demandant ce qu’ils peuvent nous enseigner. Cela change tout parce que cela rend la rencontre féconde. »
2. “Ne pas avoir peur de tomber ”
Le conseil du Dr Fatma Bouvet de la Maisonneuve psychiatre, hôpital Sainte-Anne, Paris
« J’ai eu un parcours composé de ruptures. Rien de dramatique, car ces ruptures ont été souvent choisies, comme l’immigration ou le changement de métier. Mais à chaque fois, j’ai dû prendre des risques, surmonter des obstacles puis me relever. Je crois que la clé de mon équilibre tient au fait de ne pas avoir eu peur de tomber. Il y a toujours des leçons à tirer de nos difficultés.
Or dans nos sociétés de la perfection, il est très difficile de reconnaître qu’il peut nous arriver de faillir. Mais vouloir tout maîtriser, c’est épuisant et source de tellement de frustrations. On n’est jamais parfait. Le reconnaître, c’est avancer avec ses propres défauts.
Pour cela, il faut avoir l’audace de demander conseil. Et être très exigeant dans sa quête. Ces conseils ne nous conviennent pas ? On continue à en demander ailleurs. Nous avons besoin les uns des autres pour surmonter nos manques. Cette modestie nous place non pas en position de combat mais de construction de soi avec l’autre. Nous sommes là pour jouer un rôle particulier. Sans avoir peur des autres. »
A lire : Enfants et parents en souffrance, éd. Odile Jacob, 22,90 €.
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3. “Expérimenter et être à l’écoute de soi”
Le conseil de Sophie Cheval, psychologue clinicienne et psychothérapeute « Identifier ce qui compte vraiment pour soi et le garder toujours à l’esprit permet d’avancer dans sa direction, de nourrir son projet de vie, quel que soit le contexte. C’est un peu comme en bateau : il faut définir son cap et le garder. Si la météo n’est pas bonne, on retrouvera son chemin. Et pour connaître sa direction, il faut expérimenter et être à l’écoute de soi.
Un bon moyen consiste non pas à se demander “pourquoi”je veux ceci ou cela mais “comment”. De substituer à nos “pourquoi” des “comment” permet d’avancer. Les “pourquoi” nous ramènent aux causes et donc à notre antériorité. Or nous n’avons plus la main sur notre passé. Tandis que les “comment” nous tournent vers l’avenir et mènent au changement. Les “pourquoi” ouvrent le champ des réponses, multiples, infinies, générales et largement inopérationnelles. Tandis que les “comment” nous poussent à nous tourner vers des réponses factuelles, plus concrètes pour mieux agir. »
A lire : Belle autrement ! En finir avec la tyrannie de l’apparence, éd. Armand Colin, 15 €.
4. “Être conscient de ce qu’on vit”
Le conseil du Dr Nicolas Duchesne psychiatre et psychothérapeute, enseignant, attaché des hôpitaux de Montpellier
« Il faut garder autour de soi une forme de spiritualité. Dans chacun de nos interlocuteurs, il y a une étincelle magique. De l’éprouver m’aide beaucoup. Les difficultés que nous rencontrons sont l’occasion de réaliser que la vie ne se plie pas toujours à nos désirs immédiats, et que nous devons développer par nous-mêmes des chemins de réussite. Nous devons être pleinement conscients de ce qu’on vit. Tout alors est plus “goûteux”.
Pour cela, on doit ralentir, ne pas tout faire en même temps, s’offrir des temps d’arrêt. Trois fois par jour, on peut s’installer confortablement et on se demande quelles émotions, positives ou négatives, on ressent à ce moment-là. On se recentre sur sa respiration. Cela ne dure pas plus de 3 minutes. Mais c’est une manière toute simple d’être plus présent à soi. »
A lire : L’affirmation de soi par le jeu de rôle en thérapie comportementale et cognitive, éd. Dunod, 24 €.
5. “Reconnaître ses contradictions”
Le conseil du Dr Frédéric Fanget, psychiatre et psychothérapeute, enseignant à l’université Lyon-I
« Me comprendre et comprendre mes contradictions, comme une médaille à deux faces, m’a été essentiel pour trouver l’équilibre.
Pour cela, on peut partir d’une situation donnée qui provoque chez nous un petit malaise. On prend le temps de l’analyser objectivement : qu’est-ce que je ressens ? Et on se demande ce que cela permet de comprendre de soi. On doit pouvoir observer les ressources qu’on mobilise et les freins qui sont les nôtres.
C’est une auto-analyse, mais en aucun cas une interprétation ni un jugement. C’est une manière de donner du sens à nos comportements pour trouver des solutions, pas pour se flageller. L’idée est de mieux reconnaître nos ressources puisqu’elles vont de pair avec nos faiblesses. »
A lire : Je me libère, éd. Odile Jacob, 19,90 €.
6. “Savoir s’interroger, se remettre en cause”
Le conseil du Dr Bernard Geberowicz médecin psychiatre, ancien psychiatre des hôpitaux
« L’équilibre ne peut pas reposer sur une seule clé parce qu’en réalité, c’est une interrogation constante. On doit s’interroger sans cesse sur les interactions que peuvent avoir sur nous nos relations avec les autres. Il s’agit de toujours chercher une autre description aux choses, de ne pas rester sur une seule idée qui expliquerait tout. L’équilibre, c’est être plurifactoriel.
Pour cela, on doit se demander quelles pourraient être les causes qui nous ont amenés à rencontrer une difficulté. On a toujours tendance à se contenter d’une causalité extérieure. En général, cette causalité, ce sont les autres. C’est certainement pertinent dans de nombreuses occasions, mais c’est une paresse que de s’arrêter là. On oublie de se demander : “Et moi, qu’est-ce que je peux faire pour que ça bouge, pour que l’autre bouge ?” On doit dépasser la réponse unique, chercher la complexité et se demander ce qu’on peut faire pour intervenir sur la situation qui nous pose problème. »
A lire : Les 7 vertus du couple. Une alchimie particulière, éd. Odile Jacob, 21,90 €.
7. “Accepter de ne pas aller bien parfois”
Le conseil du Dr Stéphanie Hahusseau psychiatre et psychothérapeute intégrative
« Accepter de fluctuer, d’avoir des périodes creuses, m’a été essentiel. L’injonction “tu as tout pour être heureuse” nous parasite souvent. Difficile de reconnaître ses souffrances quand d’autres autour de nous sont grièvement malades. Pourtant, la souffrance ne se hiérarchise pas !
On doit accepter de craquer, de ronchonner, de ne pas aller bien parfois et de ne pas se remettre en question en permanence. Les femmes sont particulièrement sujettes à cela. On doit cependant pouvoir accepter de penser à nous, car c’est le meilleur moyen de penser ensuite aux autres. »
A lire : Un homme, un vrai, éd. Odile Jacob, 21,90 €.
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8. “Développer ses compétences”
Le conseil du Dr Yasmine Liénard, médecin psychiatre et thérapeute cognitivo-comportementaliste
« Chercher à être qui on est plutôt que de rêver d’être quelqu’un d’autre, de toujours mieux, plus jeune, plus fort, plus performant, plus admirable, c’est la voie que j’ai prise. Ce n’est pas en cherchant cet autre qu’on trouve l’équilibre, c’est au contraire en lâchant l’affaire qu’on rencontre l’apaisement. Il ne s’agit pas d’accepter son sort et de ne plus bouger, mais de substituer à cette quête narcissique le développement de nos qualités.
Développer nos compétences, c’est travailler ce que nous savons faire, comme danser, chanter, compter. Développer nos qualités, c’est travailler sur notre manière d’être en rapport avec le monde, devenir plus flexible, se relier aux autres. C’est l’assurance d’entrer dans des relations plus faciles, plus nourrissantes, et qui rendent plus heureux. »